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Jurisprudence Amazon : l’application des obligations de l’employeur, en matière de sécurité

Précisions sur l'application qui découlent de l’article L. 4121-1 du Code du Travail : ce que cette jurisprudence met en lumière.


Jeu de stratégie
Les obligations de l'employeur à l'heure de la Covid-19

Le 14 avril 2020, lors de la pandémie Covid-19, la justice impose à Amazon France, de restreindre son activité aux commandes de produits alimentaires et médicaux, pour faire cesser un trouble manifestement illicite et à prévenir un dommage imminent. Suite à cette décision, la société décide de fermer tous ses centres de distribution en France et de poursuivre son activité depuis ses sites européens.

Ils font appel de la décision, mais la Cour d’Appel de Versailles, le 24 avril 2020, confirme la décision (CA Versailles, Code nac : 89K, 14e chambre, ARRÊT N° : Contradictoire du 24 avril 2020, N° RG 20/01993 - N°P ortalis : DBV3-V-B7E-T234).


Selon l’article article L. 4121-1 du Code du travail, l’employeur est dans l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.


Information, formation et formation renforcée, mesures de prévention des risques

La formation des salariés doit être individualisée selon le poste de travail ou la machine utilisée. Une formation générale ou « sur le terrain » ne suffit pas à remplir cette obligation de formation spécifique. Il convient de former les opérateurs sur les risques inhérents à chaque poste et machine, ainsi que sur les consignes, pour éviter tout risque d’accident ou de maladie.

Les mesures de prévention quant à elles, concernent l’ensemble des salariés et des parties prenantes, quel que soit leur poste et les risques auxquels ils sont exposés.

 

Retour sur le fond de cette procédure « S.A.S. AMAZON FRANCE LOGISTIQUE C/ UNION SYNDICALE SOLIDAIRES » :


En première instance, le Tribunal judiciaire de Nanterre (en Référés, ordonnance du 14 avril 2020, N°R.G.: 20/00503 - N° Portalis DB3R-W-B7E-VUCY) étudie et évalue l’ensemble des mesures de prévention mises en œuvre.

Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.


Ainsi, le Tribunal rappelle qu’en application des articles L 4121-3 et R 4121-1 à -4 du code du travail, précisés par la circulaire du DRT 2002-6 du 18 avril 2002 :

1. L’employeur doit évaluer les risques

2. L’employeur doit le retranscrire dans le Document Unique d’Evaluation des Risques

3. L’employeur doit mettre en œuvre les mesures de prévention adéquates.

4. Les représentants des salariés doivent être associés à l'évaluation de ces risques.

5. Le comité social et économique - qui a pour mission de promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail dans l'entreprise -, doit être consulté en cas de modification importante de l'organisation du travail.

6. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures, pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.


L’Union Syndicale Solidaire fait valoir en premier lieu que la société n'aurait pas procédé à une évaluation de manière systématique des risques liés à la pandémie Covid-19, pour chaque situation de travail et n'y aurait pas associé les représentants du personnel.

Le Tribunal retient qu’en l’espèce « ne sont fournis ni le nombre des réunions de ces instances qui se sont effectivement tenues, ni la teneur des échanges qui ont eu lieu lors de ces réunions, ni même les documents présentés à l’appui de cette information, de sorte que la société ne rapporte pas la preuve de l'information donnée et de son contenu. Il considère dès lors, que les instances représentatives du personnel n’ont pas été associées à l’évaluation des risques que la direction aurait menée.


Sur la partie « évaluation des risques », le Tribunal évalue la qualité des procédures, au travers de :

1. Leur précision,

2. Leur caractère explicite,

3. Et de l’information donnée, pour permettre de prendre toutes les mesures nécessaires à leur mise en œuvre.


Grâce à la prise en compte des remarques faites par l’Inspection du Travail suite à contrôle, le Tribunal estime que les outils de suivi ont été correctement mis en place par la Société et a rejeté les demandes sur ce fondement. Pour autant, le Tribunal a étudié l’évaluation faite, risque par risque, en fonction des situations de travail et a conclu que certains risques n’avaient pas été suffisamment évalués.


Il précise également que le seul fait d’affirmer un élément (ici, que les gestes barrières permettent une protection efficace) ne répond pas à l’obligation d’évaluer préalablement les risques, avant de définir les mesures de sécurité et de prévention nécessaires.


Il explique également l’attendu en matière de mesures, pour assurer le respect effectif des règles définies et le fait qu’il appartient à la société de justifier de l’effectivité des mesures, y compris dans le temps.


Le Tribunal porte ensuite son évaluation sur les intervenants extérieurs, au regard des documents sécurité afférents à leur intervention, en fonction de leur mise à jour et actualisation du contenu : plan de prévention pour les entreprises extérieures, protocole de sécurité pour les transporteurs. La Société n’a pas pu justifier de l’intégralité de ces plans de prévention, avec toutes les entreprises extérieures et cela ne lui permet pas de répondre pleinement à son obligation en la matière.


Enfin, le Tribunal rappelle l’importance que l’évaluation des risques rende compte des effets sur la santé mentale des salariés - évaluation des Risques Psycho-Sociaux - ici induits notamment par les changements organisationnels, les nouvelles contraintes de travail, la surveillance mise en place quant au respect des règles et les inquiétudes des salariés par rapport au risque de contamination, à tous les niveaux de l’entreprise.


Cette ordonnance de référé met donc en lumière, l’importance de :

1. L’information,

2. La qualité de cette information,

3. La formalisation des divers documents, en concertation avec les représentants du personnel,

4. La formation nécessaire et individualisée (renforcée, au poste de travail),

5. La traçabilité de l’ensemble des échanges, documents et moyens mis en œuvre.

 

C’est dans les suites de cette ordonnance, que la Cour d’Appel de Versailles a été saisie par la société Amazon France Logistique, à titre principal sur l'absence de qualité et d'intérêt à agir du Comité Social et Economique (CSE) et ses conséquences.


Dans cet arrêt du 24 avril 2020, sont reprises les dispositions du Code du Travail relatives au CSE, et notamment :

  • L’article L.2315-23 du code du travail, qui dispose que le CSE peut agir en justice par l’intermédiaire d’un mandataire chargé de défendre ses intérêts, sa désignation devant être explicite.

  • Les articles L.2312-9 et L.2312-13 du code du travail, qui disposent que le CSE procède notamment à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs, ainsi qu’à intervalles réguliers, à des inspections en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail.

La Cour d’Appel reprend ainsi que, selon les dispositions combinées de l’article L.2312-8 du code du travail modifié par l’article 1 de l’ordonnance n°2017-1386 du 27 septembre 2017 et de l’article L.2316-20, le CSE d’établissement a notamment pour mission d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts, dans les décisions relatives à l'organisation du travail.


Le CSE est informé et consulté sur les questions intéressant :

o L’organisation,

o La gestion,

o Et la marche générale de l'entreprise, notamment sur :

  • Les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs,

  • Et sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

Concernant l’évaluation des risques professionnels, l’arrêt de la Cour d’Appel précise, que l’entreprise doit associer les représentants du personnel. Il appartenait donc « à la société Amazon de consulter le CSE central dans le cadre de l’évaluation des risques - comprenant la modification du DUER -, puis la mise en œuvre des mesures appropriées, sans pour autant ignorer les CSE d’établissement lesquels, dans le cadre de cette démarche d’évaluation, devaient être consultés et associés en leur qualité de représentants des salariés, étant rappelé que le comité social et économique a pour mission de promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise ».


Enfin, de manière plus générale, la Cour d’Appel stipule que l’employeur doit s’assurer que le respect des mesures soit en pratique réalisable et qu’à défaut de formation et d’information de ses salariés concernant les mesures mises en œuvre pour assurer leur sécurité, l’employeur ne peut échapper à sa responsabilité.


La cour d’appel précise donc qu’il est nécessaire de former l’ensemble des salariés, ainsi que les intérimaires et toutes les parties prenantes (fournisseurs, transporteurs et sous-traitants) sur les mesures de prévention spécifiques à leur poste de travail. De plus, elle demande de formaliser le suivi de formation de chaque individu, ce qui passe par une traçabilité en temps réel du dispositif et l’évaluation de chacun. L’objectif est de s’assurer qu’il ait bien compris les règles afin de pouvoir les respecter.

 

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